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Droits des Femmes Rouen

Les fêtes Jehanne d'Arc, folklore féministe ou réactionnaire?

27 Mai 2016 , Rédigé par Droits des Femmes Rouen Publié dans #Rouen, #Antifascisme

Vendredi 27 mai au soir, la vague normande viendra marcher à Rouen en l'honneur de Jeanne d'Arc suite à « la suppression totale des fêtes Jehanne d'Arc, qui étaient devenues d'ignobles espaces de propagande LGBT ».

Nous ignorons ce qui a suscité leur mécontentement, mais on peut néanmoins constater, sans surprise, que nos fachos locaux sont homophobes. Et là où il y a homophobie, ça ne loupe pas, il y a sexisme. Et s'il est encore besoin de vérifier que les fachos sont sexistes, ça se confirme très bien, rien qu'avec les quelques photos du défilé de l'an dernier disponibles en ligne. Nous avons eu droit, en tête de cortège, à des jeunes filles tout de blanc vêtues. Bon, pour commencer, c'est à la femme correspondant le plus aux normés de beauté qu'ils ont confié le drapeau. Et puis surtout: vêtues de blanc, et même carrément de robes blanches, pour incarner une femme envoyée au bûcher au motif (technique, mais motif quand même), qu'elle portait un pantalon. Moins cher que l'armure de chevalier, sans doute, mais quand même pas innocent comme choix.

La robe c'est sans doute pour redonner de la féminité à celle qui a passé sa vie d'adulte à combattre, pour éloigner toutes ces images virilisantes de guerrière et souligner la fragilité de la bergère martyrisée. Autrement dit, s'appuyer une symbolique patriarcale pour neutraliser l'image d'une femme très manifestement éduquée et qui, toutes choses égales par ailleurs, vécut indéniablement en dehors des rôles de genre de son temps.

Le blanc c'est pour la « pureté»: pureté politique, d'abord, de celle qui bouta les anglais hors de France et dont ils aiment à imaginer qu'elle bouterait aujourd'hui les musulmans, pureté de la foi en la « nation », de la foi en une « mission sacrée », de la foi en Dieu par opposition aux compromissions supposées de Marianne « la gueuse », la « putain de la république »...

Ce qui nous amène directement à la deuxième dimension du symbole, inextricablement lié au premier, celui de la pureté physique, de la virginité de celle que l'on continue à appeler la « pucelle ». Et la virginité c'est bien. La preuve : c'est un signe de pureté politique, le pape est pour et, en plus, ça permet d'apprivoiser les licornes.Est-il besoin de développer?

Et maintenant, petit rappel historique. Pucelle, au XVe, ça veut dire "jeune fille», pas «vierge». Certes, la virginité de Jeanne d'Arc est importante à l'époque, est testée et re-testée, pour des raisons religieuses (les saints s'adresseraient-ils à une femme non vierge, je vous le demande?), politiques (qui a envie de devoir son accession au trône à une sorcière? Et puis une prédiction -l'ancêtre des sondages BVA- prévoyait que le Royaume, perdu par une femme, serait sauvé par une vierge - forcément-), bref, pour des motifs relevant de la pure superstition (là, on revient aux licornes). Reste que nous utilisons aujourd'hui le surnom de « pucelle » à contre-sens.

C'est un peu le pendant de bâtard. A l'époque, le surnom de « bâtard» n'a rien d'infamant, c'est même plutôt positif. Ça affiche que vous avez des relations dans les hautes sphères. A tel point que André de Ribes, un chef de bande de la même époque, se fait appeler le « bâtard d'Armagnac» alors qu'il n'est pas bâtard, juste pour signifier qu'il a le soutien du comte d'Armagnac. Un compagnon de Jeanne d'Arc, Jean de Dumois, fils de Louis 1er duc d'Orléans, est pour sa part plus connu sous le nom de « bâtard d'Orléans ». Et on peut aussi mentionner « Guillaume le Bâtard,» plus fréquemment évoqué dans les manuels scolaires sous le nom de « Guillaume le Conquérant ».

Mais le monde étant ce qu'il est, c'est à dire sexiste, nous avons toujours une « Place de la Pucelle », historiquement correcte mais qui doit faire ricaner tous les adolescents boutonneux qui s'y rendent. Parallèlement, à Orléans, ils ont une place « Jean de Dumois », pour éviter au grand homme la disgrâce qu'aurait constituée une « Place du Bâtard d'Orléans », plus conforme à l'usage de son temps.

Donc, pour en revenir à notre point de départ, en retenant de Jeanne d'Arc avant tout sa « pureté» (alors qu'ils auraient pu choisir, comme ça se fait ailleurs, les déguisements médiévaux – avec pantalons-, les armures, voire la coupe au bol) les identitaires font le même genre de subtil résumé que les publicitaires inspirés des années 30 qui nous ont inventé la machines à laver « Jeanne d'Arc »(« Boutez la saleté du linge en 7 minutes ! ».

Quant aux rouennaisEs, ils/elles s’accommodent d'une Place de la Pucelle à l'intitulé dégradant car aujourd'hui incompréhensible.

Rouen, Le 27 mai 2016

Les fêtes Jehanne d'Arc, folklore féministe ou réactionnaire?
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